Quel avenir pour la culture chrétienne en Europe ?

Vers quelle Europe allons-nous ? Et, plus particulièrement, où vont les Églises et les mouvements d’Églises dans l’incertitude croissante actuelle ? La diminution des Églises est certes une perte très douloureuse. Mais chaque perte peut créer davantage d’espace et de liberté pour rencontrer Dieu.

This article in english: What future for Christian culture in Europe?

Telles sont les questions du philosophe allemand Herbert Lauenroth lors de la récente rencontre de « Ensemble pour l’Europe » à Timisoara, en Roumanie. Toutefois, pour lui, la vraie question est de savoir si les chrétiens sont des témoins crédibles du vivre ensemble.

Charles Péguy décrivait la « petite sœur espérance » qui emporte avec elle la foi et l’amour dans une impétuosité enfantine. Elle ouvre à de nouveaux horizons et conduit à dire « et pourtant » en nous entraînant vers une terre inconnue.

Qu’est-ce que cela signifie pour les Églises ? Le temps des cathédrales semble révolu. La cathédrale Notre-Dame de Paris est en feu… mais la vie chrétienne s’éteint. Cependant les charismes dont sont porteurs les mouvements chrétiens peuvent de susciter des nouvelles voies. C’est durant la deuxième guerre, par exemple, que sont nés plusieurs mouvements, comme un baptême de feu.

Le destin des sociétés dépend des « minorités créatives ».

Joseph Ratzinger, le futur pape Benoît XVI, a reconnu la pertinence de cette notion depuis 1970. Dès son origine, le christianisme est constitué en minorité, une minorité d’un type tout à fait unique. Prendre à nouveau conscience de ce fait caractéristique de son identité est porteur d’avenir.

Les questions de genre et de politique autoritaire, par exemple, excluent, divisent et polarisent. Une réciprocité née de la reconnaissance des charismes et une amitié centrée sur le Christ sont les deux contrepoisons essentiels.

Sur la réciprocité, Helmut Nicklas, un des pères d’Ensemble pour l’Europe, écrivait : « ce n’est que lorsque nous parviendrons vraiment à recevoir notre propre expérience de Dieu, nos charismes et nos dons de façon nouvelle et plus profonde de la part des autres que notre réseau aura vraiment un avenir ! »

Et, sur l’importance de l’amitié, la philosophe Anne Applebaum notait : « Nous devons choisir nos alliés et nos amis avec le plus grand soin, car ce n’est qu’avec eux qu’il est possible de résister à l’autoritarisme et à la polarisation. En bref, nous devons former de nouvelles alliances ».

Le visage caché du Christ sur le chemin d’Emmaüs

En Christ, les murs de haine et de séparation ont été abolis. Le récit d’Emmaüs nous le fait comprendre : sur leur chemin, les deux disciples sont profondément blessés et divisés, mais par la présence du Christ qui les rejoint, naît un nouveau présent. Ensemble, nous sommes appelés à être porteurs de cette « compétence d’Emmaüs » qui apporte la réconciliation.

La slovaque Mária Špesová, du Réseau européen de communautés, a aussi médité sur les disciples d’Emmaüs. Récemment, elle a rencontré des jeunes qui se sont moqués des chrétiens, affirmant qu’ils se sont trompés. 

L’expérience des disciples d’Emmaüs lui donne de l’espérance. Jésus dissimule son visage pour amener leurs cœurs à la lumière et les remplir d’amour. Elle espère que ces adolescents pourront faire une telle expérience : découvrir le visage caché de Jésus. Et, ce visage transparaît à travers le nôtre ! 

Ruxandra Lambru, une orthodoxe roumaine, membre des Focolari, sent les divisions de l’Europe dans la perception de la pandémie, des vaccins contre le Coronavirus et de l’état d’Israël. Où est l’Europe de la solidarité quand les arguments excluent les valeurs auxquelles nous tenons et quand on nie l’existence de l’autre ou le démonise ?

Le chemin d’Emmaüs lui montre qu’il est primordial de vivre la foi dans des petites communautés : c’est ensemble qu’on va vers le Seigneur.

Influencer la vie sociale et politique à travers les valeurs chrétiennes

Selon Valerian Grupp, collaborateur des Unions chrétiennes des jeunes gens, seulement un quart de la population en Allemagne appartiendra aux Églises catholiques et protestantes, en 2060. Déjà aujourd’hui, la « grande Église » n’existe plus ; moins de la moitié de la population y appartient, et les convictions communes disparaissent.

Mais l’Europe a besoin de notre foi. Il faut la regagner en rencontrant les personnes et en les invitant à entrer en relation avec Dieu. La situation actuelle des Églises rappelle celle des premiers disciples de Jésus, avec leurs « Églises mobiles ».

Quant à Kostas Mygdalis, conseiller d’un mouvement orthodoxe qui réunit des parlementaires de 25 pays (Interparlementariy Assembly on Orthodoxy), il constate que certains milieux politiques mystifient l’histoire de l’Europe en voulant effacer l’héritage de la foi. Par exemple, les 336 pages d’un ouvrage publié par le Conseil de l’Europe, sur les valeurs de l’Europe, ne mentionnent nulle part les valeurs chrétiennes !

Or notre devoir de chrétiens est de prendre la parole avec courage pour avoir un impact sur la société… même si parfois les Églises regardent avec suspicion les personnes engagées en politique.

Édouard Heger, ancien président et premier ministre de la Slovaquie, appelle aussi les chrétiens à sortir pour parler à haute voix, avec courage et amour. Leur vocation est d’être des gens de la réconciliation.

« Je suis venu ici avec une seule demande, dit-il, nous avons besoin de vous, en tant que politiciens. Nous avons aussi besoin de chrétiens en politique : ils apportent la paix et ils servent. L’Europe a des racines chrétiennes mais elle a besoin d’entendre l’Évangile, car elle ne le connait plus ».

L’appel au courage et à la confiance que j’ai reçu de Timisoara se résume dans ces paroles de Saint Paul : « Nous sommes des ambassadeurs envoyés par le Christ, et c’est comme si Dieu lui-même adressait son appel par nous : nous vous en supplions, au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu» (2 Cor 5,20).  

Martin Hoegger

Image : La place de l’unité à Timisoara


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