L’expérience d’unité des Églises de Timisoara

Timisoara est une ville où la diversité culturelle et confessionnelle a une longue histoire. Elle garde des blessures de son passé, mais aujourd’hui elle offre aussi un beau témoignage de la recherche d’unité chrétienne. La rencontre d’Ensemble pour l’Europe (16-19 novembre 2023) dans cette ville a donné la parole à des jeunes, des prêtres et des évêques.

N’est-il pas autant utopique que dystopique de parler d’unité, alors que l’histoire s’est transformée depuis l’attaque russe sur Kiev, le 24 février 2022, l’offensive azérie contre l’enclave arménienne du Haut-Karabakh, le 20 septembre 2023, suivie par le massacre perpétré par le Hamas en Israël, le 7 octobre dernier, note Gerhard Pross, modérateur d’Ensemble pour l’Europe.

« Que se passe-t-il dans notre monde pour que la guerre soit à nouveau possible en Europe et au Proche-Orient », se demande-t-il ? Il cite le livre de l’Apocalypse disant que « la paix a été ôtée de la terre pour les personnes s’entre-égorgent » (6,4). « L’usage du passif divin indique que ce que nous ne comprenons pas est dans les mains de Dieu ». La guerre est l’arrière-plan de cette rencontre, mettant en relief la vocation d’Ensemble pour l’Europe d’être un mouvement de réconciliation.

Appelés à la joie de l’unité.

Pourtant nous sommes appelés à la « joie de l’unité ». Mgr Josef-Csaba Pal, évêque catholique du diocèse de Timisoara, invite à se mettre à l’écoute de l’Esprit saint : « que veut-il nous dire ici durant ces jours. Si nous le faisons, nous serons davantage unis. Nous pouvons faire des programmes, mais c’est l’Esprit saint qui construit ».

Il cite l’appel à la joie de l’apôtre Paul : « soyez toujours joyeux dans le Seigneur » (Philip. 5,16). Voici sa réflexion : « Pourquoi une parole sur la joie alors qu’il y a tant de divisions ? Il est facile de se réjouir quand tout va bien. Mais, si nous sommes en Christ, il est la raison de notre joie. Ce n’est qu’en Christ que nous pouvons nous réjouir et être bienveillants. Rien ne doit prendre la place de Jésus. Puisqu’il est ressuscité, il est proche de nous, donc il faut être conscient de sa présence durant ces jours. Que notre rencontre soit une contribution à une Europe où il y ait plus de spiritualité, et donc plus de paix ».

Ces fortes paroles sont appuyées par chant « Shine your love, Jesus » – « Fais rayonner ton amour, Jésus », chanté par le chœur œcuménique des jeunes de cette ville, dont la présence a donné une tonalité de joie et de jeunesse à toute la rencontre, durant laquelle ils ont témoigné d’un festival œcuménique. De même des évêques et des prêtres de diverses Églises ont partagé ce qu’ils vivent entre eux durant toute l’année.

Le festival œcuménique des jeunes

Quatre jeunes de Timisoara disent ce qu’a signifié le festival œcuménique des jeunes en mai 2023, sur le thème « Cheminer ensemble à la lumière du Christ ». Myriam Sabau, membre de l’Église catholique, confie : « Nous avons travaillé sur l’acceptation de la diversité, car nous avons tous en commun la lumière du Christ dans laquelle nous voulons marcher. Le chœur œcuménique de jeunes est devenu une grande famille. Chanter pour Dieu est une expérience unique ».

Un jeune orthodoxe s’est réjouie d’avoir fait de nouvelles amitiés : « cela m’encourage à confesser ma foi et garder dans mon âme le Christ qui est chemin, vérité et vie. « Courage j’ai vaincu le monde » a été la parole qui nous a guidés. Nous avons fait notre part, et Jésus la sienne. A la fin, nous avons senti que sa promesse est vraie : « là où deux ou trois sont réunis en son nom, il est au milieu de nous ».

Un autre témoigne de la vie de son groupe de jeunes : « Nous prenons Jésus au milieu de nous et de grandes choses peuvent alors survenir. Les piliers de nos rencontres sont la prière, le partage et l’ouverture de nos âmes les uns aux autres ».

Fraternité entre évêques

Sous l’impulsion de Mgr Pal, des rencontres régulières entre évêques de diverses Églises de la région Banat approfondissent la fraternité au service de la mission de l’Église. « Si Jésus appelle à l’unité, cela veut dire que pour réaliser son désir, je ne dois perdre aucune opportunité de construire des ponts », dit-il.

Selon Ioan Călin Bot, évêque gréco-catholique de Lugoj, la prière de Jésus pour l’unité apporte une grâce prête à se réaliser. C’est pourquoi il recherche la communion avec tous, la plus profonde possible, notamment avec l’Église orthodoxe, majoritaire.

« On parle d’hiver œcuménique, dit-il. Mais en hiver, on a besoin de partager le feu. Il faut nous entraider à réchauffer nos âmes et nos communautés »   

L’évêque luthérien Rheinhard témoigne de la grande ouverture œcuménique des Églises de la région du Banat. Par exemple, il donne des exercices spirituels aux prêtres catholiques. 

Quant à l’évêque orthodoxe Lucian Mic, de Caransebeș, il cite la première lettre de Jean : « nous sommes passés de la mort à la vie, car nous aimons nos frères », pour exprimer la fraternité spirituelle qui unit les évêques.

S’unir non contre un ennemi, mais grâce à un ami commun

Quatre prêtres orthodoxe, catholique et grec-catholique témoignent également de leurs rencontres mensuelles.

Pour le prêtre orthodoxe Alin Câmpean, le plus fort désir de Jésus est l’unité des siens, unis dans l’amour à l’image de la Trinité. L’unité est un don et un appel, une responsabilité. Elle n’est pas un conseil, mais un commandement, l’objectif le plus important du chrétien. Nous faisons vraiment la volonté de Dieu quand nous cherchons l’unité. Nous devons nous unir non parce que nous avons un ennemi commun (par exemple, la sécularisation), mais un ami commun, Jésus.

Ovidiu Cozmuta, prêtre grec catholique, parle de sa joie de la découverte de la diversité. Cela l’a transformé. Mais, cela a aussi nécessité de sa part un acte de confiance, car des préjugés étaient cachés dans son cœur. Tout a changé quand un prêtre lui a dit qu’il l’avait confiance dans les laïcs et les jeunes pour leur confier des problèmes et des situations.

« Illumine ta ville » Timisoara (ou Temesvar en allemand) a été fondée au 13e siècle par des Allemands (Temesvar). Les Ottomans l’ont occupée de 1516 à 1716. Puis elle est intégrée à l’empire austro-hongrois et, en 1919, unie à La Roumanie. En 1989, Timisoara a été la première ville à sortir du régime communiste. Des identités culturelles diverses composent les 400’000 habitants de la banlieue : roumaine (91%), hongroise, serbe, allemande. En 2023, la ville devient « capitale culturelle européenne », avec le thème « Illumine ta ville », lequel fait écho à son histoire : elle a été la première ville d’Europe continentale à avoir un éclairage électrique (1984). La figure historique est Saint-Gérard, martyrisé au 13e siècle. La lumière de la foi illumine les siècles. Sans la lumière du Christ, les valeurs sont sans fondements. Cette lumière donne aussi le courage de changer ce qui s’oppose à la vie. La dictature de Ceausescu est tombée ici. Aujourd’hui, il faut aussi du courage pour passer d’une foi traditionnelle à une foi de conversion.

Image : le chœur œcuménique des jeunes de cette ville, dont la présence a donné une tonalité de joie et de jeunesse à toute la rencontre

Martin Hoegger


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