En chemin vers une éthique de la paix.

De gauche à droite, Edouard Heger, Margaret Karram, Sylvester Gaberscek et S. Nicole Grochowina

Un temps fort de la rencontre d’« Ensemble pour l’Europe », à Timisoara (Roumanie, 16-19 novembre 2023) a été un atelier sur la paix. Il a donné la parole à des témoins provenant de pays en guerre, comme l’Ukraine et la Terre sainte. Tous ont des amis et de la famille dans ces régions.

Connaître des personnes personnellement dans des régions en conflit change notre perception. Avez-vous des amis, de la parenté dans ces régions ? Si oui, on ne peut plus parler de manière théorique de ces conflits, car des personnes sont impliquées. Autre question : êtes-vous en lien avec un projet d’entraide dans les zones de conflits ? Les participants étaient invités à répondre à ces questions posées par S. Nicole Grochowina, de la communauté protestante de Selbitz en Allemagne, au début de cet atelier

Éduquer à la paix et au dialogue

Donatella, une Italienne habitant en Ukraine et qui a vécu 24 ans en Russie dans une communauté des Focolari, confie : « Cette guerre est une blessure ouverte. Autour de moi, il y a beaucoup de souffrances. La seule réponse, je la trouve en regardant Jésus crucifié. Son cri me donne un sens ; sa douleur est un passage. Alors je comprends que l’amour est plus fort que la douleur. Cela m’aide à ne pas me replier sur moi-même. Tant de fois, nous nous sentons impuissants. La seule chose est alors d’écouter et de proposer un peu d’espérance et de sourire. Faire de l’espace en nous pour une écoute profonde et faire entrer la douleur dans notre propre cœur pour prier ».

Une autre participante à cette table ronde est née à Moscou et y a habité durant 30 ans. Sa mère est russe et son père ukrainien. Elle a des amis autant en Russie qu’en Ukraine. Personne ne croyait qu’une telle guerre serait possible, que Kiev soit bombardée ! Elle s’est mise à disposition pour accueillir des réfugiés. Cependant, elle n’est pas à l’aise avec le discours de ceux qui rejettent tous les Russes. Elle souffre, car elle est tiraillée entre les deux parties.

Margaret Karram, la présidente du mouvement des Focolari – israélienne d’origine palestinienne – prononce trois mots très actuels, selon elle : fraternité, paix et unité. Le moment est arrivé de mettre en lumière nos devoirs, car il ne suffit pas de parler de paix juste, il faut éduquer à la paix et au dialogue.

Née à Haïfa où se vit une cohabitation entre juifs et palestiniens, elle a étudié dans un milieu catholique avec une présence de musulmans. A Haïfa, ses voisins étaient juifs. Sa foi lui a donné de surmonter des discriminations.

Puis, elle a vécu à Jérusalem, dans une ville où de nombreuses divisions séparent les gens. Elle a été choquée de cela et a œuvré afin qu’ils se rencontrent. Plus tard, elle étudia le judaïsme aux USA. De retour dans son pays, elle s’est engagée dans plusieurs initiatives interreligieuses, en particulier pour les enfants. Elle a découvert que tant de choses sont communes aux trois religions.

Philip Mc Donagh, directeur du « Centre sur religions et valeurs » de l’Union européenne, rappelle, quant à lui, que l’article 17 de la Charte de l’Union européenne invite à renforcer le dialogue. Par rapport aux prétentions territoriales, il est convaincu que le temps est plus important que l’espace, et que le tout est plus grand que la somme des parties.

La « diplomatie des vertus théologiques »

Sylvester Gaberscek est un ancien secrétaire d’État du ministère de la Culture de Slovénie. Constructeur de ponts entre des partis très différents, il avait des relations avec des politiciens de tous bords. Il a découvert qu’il est possible de collaborer pour le bien de tous malgré la haine. Il a pratiqué ce qu’il appelle « une diplomatie de la foi, de l’espérance et de l’amour ».

Appelé au Kosovo et en Serbie pour la formation au dialogue, il a découvert que « la seule chose que je devais faire était d’écouter et de comprendre chacun. « Les personnes en ont été transformées ».

Édouard Heger, ex-président et premier ministre de la Slovaquie, se demande comment sortir d’une guerre et prévenir la prochaine ? Telle est la question centrale. Selon lui, à la base de toute guerre, il y a toujours des manques d’amour et de réconciliation.

Or la vocation des chrétiens est d’être des personnes de réconciliation. Ils doivent conseiller les responsables politiques en vue de la réconciliation. Mais, la réconciliation dépend aussi de nous, en étant courageux et en parlant avec amour et à haute voix. Les peuples désirent ce message.

L’évêque Christian Krause, ancien président de la Fédération luthérienne mondiale, constate qu’un ami peut se transformer rapidement en ennemi. Seul l’amour envers Jésus permet de surmonter cette douleur. En effet, ses béatitudes sont une lumière. Les deux politiciens ci-dessus ont eu le courage de suivre Jésus en les vivant.

En Allemagne de l’Est, avant la chute du mur, l’Église était un lieu de liberté. Un miracle de Dieu a alors eu lieu. Oui, il vaut la peine d’espérer en Dieu et de le rendre public. Il faut que les portes des Églises restent ouvertes dans ces temps de transformation. Et que les chrétiens soient artisans de réconciliation.

« Nous sommes une minorité, mais créative », dit-il. Sans un pacte d’amour réciproque, nous ne pouvons avoir la garantie que Jésus soit au milieu de nous. Mais, s’il l’est, c’est lui qui construit la maison. Et le miracle de la réconciliation s’accomplira… en Europe et dans le monde » !

Martin Hoegger

This article on English: On the road to an ethic of peace and non-violence


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