Par Elisabeth Reusser & Marco Würgler
Le 15 novembre 2018, Marco Würgler, de la communauté Nidelbad, et Elisabeth Reusser, du secrétariat d’En Chemin ensemble) ont participé à la rencontre internationale de « Ensemble pour l’Europe » à Prague, en tant que représentants du groupe suisse « En chemin ensemble ». Voici leur compte rendu.
Il nous tient à cœur de renforcer « ce réseau subtil de coexistence » qui s’est créé entre nous, chrétiens de différentes communautés et mouvements, et de vous faire part de ce qui se vit à l’échelle européenne.
Elisabeth Reusser : J’essaie volontiers de vous résumer ces journées. Cela vaut la peine de consulter le site Internet : vous y trouverez de nombreuses photos, des interviews intéressantes de personnalités et des témoignages : www.together4europe.org
Lors de la clôture de la dernière réunion du cercle des responsables à Vienne en 2017, nous nous étions fixés trois points pour le prochain avenir :
– connaître encore plus profondément l’histoire et la culture des pays d’Europe centrale et orientale et ainsi approfondir l’amitié avec ces personnes,
– renforcer la présence des jeunes parmi nous,
– approfondir la conscience que nous avons, en tant que chrétiens en Europe, d’une responsabilité les uns envers les autres, par exemple, en profitant du 9 mai (anniversaire de l’Europe) pour prier ou faire connaissance.
Le jeudi 15 novembre au soir, les 170 participants, dont environ 25 jeunes (la moitié de Tchèques et d’Ukrainiens), ont été accueillis à Prague par le groupe de préparation, composé de membres des mouvements de Schoenstatt et des Focolari, avec beaucoup de gentillesse et de joie.
Leçons tirées de l’histoire de la Tchéquie
Le deuxième jour a été consacré à une « entrée en profondeur dans l’histoire de la Tchéquie » : les exposés (témoignages et réflexions) ont ouvert la tête et le cœur aux défis vécus dans le passé. Ils nous ont aussi permis de réaliser profondément que nous sommes tous confrontés aujourd’hui à des défis similaires et nouveaux de la mondialisation. Les médias sociaux apportent beaucoup de bien, mais ils sont aussi utilisés pour manipuler les « masses », les déstabiliser et exploiter les peurs qu’ils suscitent pour apparaître comme des « sauveurs » (populistes).
Sont intervenus Pavel Fischer, sénateur et ancien candidat à la présidence, un historien tchèque, Jaroslaw Sebek, et le sociologue, philosophe et prêtre catholique romain Tomas Halik, qui a une histoire semblable à celle du cardinal Miloslaw Vlk.
Il en est ressorti clairement et avec espérance que nous sommes sollicités comme croyants, des « personnes », des « tu de Dieu » appelés à la communion avec Dieu et avec nos frères et sœurs.
Une expérience personnelle du sénateur Pavel Fischer a montré que nous dépendons tous les uns des autres, que nous sommes interdépendants. Il a accompagné son fils en phase terminale qui, à la fin, dépendait entièrement de l’aide d’autrui et a pu constater combien celui-ci était capable de lui « donner ». « Ce sont les handicapés qui ramènent l’humanité dans notre société« , a-t-il affirmé.
Pavel Fischer, qui a collaboré avec Vaclav Havel comme secrétaire, a mis l’accent sur notre éducation comme citoyens prêts à assumer des responsabilités en tant que « personnes », prêts à chercher et à emprunter des chemins menant du mensonge à la vérité. Et à vivre « comme des citoyens libres » dans et comme « communauté ».
Tomas Halik a souligné : « Nous devons apprendre à vivre sans réponses simples, en faisant confiance à notre maître de l’histoire. Nous portons comme chrétiens une grande responsabilité ; nous portons en nous la réponse de la foi, la seule vraie perspective pour faire face aux grandes peurs diffuses des hommes et femmes de notre temps« .
Un jeune pasteur ukrainien m’a dit que la collaboration œcuménique avec les différentes Eglises de sa ville, au milieu de la misère et de la guerre, était une puissante lumière.
Journée de l’Europe. 9 mai
Le samedi, nous avons parlé de l’avenir. Le 9 mai 2019, la Journée de l’Europe sera célébrée comme une journée du « vivre ensemble pour« . Pour s’y préparer, l’initiative sera soutenue par une chaîne de prière de six semaines dans toute l’Europe, a expliqué Sœur Nicole, de la communauté Christusbruderschaft de Selbitz (DE). Elle débutera le 25 mars 2019, jour de la sortie attendue du Royaume-Uni de l’Union européenne. Chaque semaine, une lettre d’information sera envoyée, dans laquelle un pays européen se présentera et placera au centre ses intentions de prière. Nous aurons ainsi tous la possibilité de porter nos frères et sœurs européens et leurs besoins et de nous unir à eux dans l’intention d’une cohabitation pacifique en Europe et dans le monde entier.
La prochaine rencontre du cercle des responsables aura lieu du 7 au 9 novembre 2019 à Ottmaring (près d’Augsbourg), là où l’histoire de ce réseau a commencé il y a 20 ans. Il s’agira d’une rétrospective d’une histoire de personnes avec Dieu et d’une perspective d’un avenir prometteur.
Un pas vers l’Europe de l’Est
Marco Würgler : si l’on est déjà à Prague, il ne faut évidemment pas manquer de visiter la ville. Nous sommes donc restés un jour de plus et nous nous sommes plongés dans le charme particulier de cette ville magnifique avec ses rues impressionnantes, ses palais et ses places, à gauche et à droite de la Moldau qui s’écoule tranquillement.
Bien qu’encombrée de personnes qui ne facilitaient pas la progression – notamment sur l’un des symboles de la ville, le pont Charles -, on n’avait pas l’impression d’une quelconque agitation ; au contraire, il y avait même quelque chose de méditatif dans tout cela, peut-être aussi parce que les Tchèques commémoraient ces jours-ci la « révolte de velours » de novembre 1989 et que des bougies étaient allumées partout, devant lesquelles certains passants s’arrêtaient religieusement.
A notre grande surprise, nous découvrons une paroisse luthérienne germanophone qui célèbre ses offices dans la vénérable église de Saint-Martin-au-Mur (1178). La brève rencontre avec la petite communauté et la prédication rafraîchissante de la jeune pasteure nous ont fait du bien.
Une belle conclusion à notre rencontre, qui a vraiment apporté ce que nous avions espéré à Vienne : un premier pas important vers l’Europe de l’Est, d’où – nous l’avons perçu – de nouvelles impulsions et de nouveaux défis nous attendent pour notre « vivre ensemble », ici aussi, à l’Ouest.
« La partition est écrite dans le ciel »
Notre conclusion : l’Europe a plus que jamais besoin de nos prières. Quelle que soit notre position sur les efforts politiques de l’UE, nous vivons ensemble « en » Europe et que nos actions – conscientes ou inconscientes, volontaires ou non – seront toujours « pour » l’Europe.
A Prague, on a rappelé les paroles du poème de Reinhold Schneider qui, en 1936, a écrit en ces temps difficiles : « Seuls les priants peuvent encore réussir… ». – Le « chemin de prière » envisagé pour l’année prochaine nous donnera l’occasion de renforcer cette conscience chez nous aussi.
Vous vous souvenez peut-être encore de la question posée par Helmut Nicklas à Chiara Lubich (Ottmaring 1999) : « Et maintenant, comment ça va se passer ? » … et sa réponse : « Je ne sais pas, la partition est écrite dans le ciel ».
C’est dans cette confiance en l’Esprit Saint, en lui demandant d’apprendre à comprendre cette partition dans le ciel et de ne pas en ignorer les notes discrètes que nous vous souhaitons un temps de l’Avent et de Noël béni.
Elisabeth Reusser & Marco Würgler
Conférences et témoignages de la rencontre sur le site de « Ensemble pour l’Europe »